Au Colombier, la préparation de volaille en famille, au quotidien

Par Lisa Darrault

Depuis 22 ans, l’équipe du Colombier transforme et vend de la viande de volaille. La vente se fait sur les marchés, du mercredi au samedi, et sur place, à Tauxigny. Reportage en compagnie de Diana Brossard, de la préparation de la viande, à sa vente sur les marchés.

Mardi, 12h30. L’effusion en cuisine ne suffit pas à réchauffer cette journée de janvier. Face à l’entrée, Diana Brossard hache finement de la dinde, pour les blanquettes. Derrière elle, son mari Michel fabrique des boudins blancs de canard. Les couleurs et les textures des préparations contrastent avec l’inox des plans de travail. Partout flotte une douce odeur, mélange de viande cuite et de bouquets garnis. À Tauxigny, l’équipe du Colombier prépare de la volaille, un peu de lapin et de porc, avant de les vendre sur les marchés, et en boutique. « On fait le plus gros de la cuisine le mardi, » explique Diana.

Il faut dépasser le lave-vaisselle qui ronfle dans la pièce de plonge, pour arriver dans la salle de réception des commandes. Aujourd’hui, Jean-Pierre, le frère de Michel, s’en sert de salle de découpe. Il désosse méticuleusement 24 lapins. « La volaille vient d’un éleveur à Ferrière-Larçon. Il fait lui-même ses céréales pour nourrir ses bêtes, et il les abat. » Diana dépose un café à Jean-Pierre, avant de disparaître une énième fois dans la buée de la salle de plonge. « On y passe beaucoup de temps, ça fait partie du métier. »

« On utilise tous les restes qui peuvent être recyclés : canard, pintade, poulet… »

Diana Brossard, patronne du Colombier

14h Sortie pour fumer une cigarette, elle décrit leur journée. Ils commencent la préparation des terrines à 4 heures : « on utilise tous les restes qui peuvent être recyclés : canard, pintade, poulet… ». Viennent ensuite les saucisses et les merguez. Pendant ce temps-là, Jean-Pierre prépare les produits “transformés” : piémontaise, taboulé, escalopes marinées… L’équipe ne prend pas de pause le midi. « On mange vers 7h30. Ce matin c’était cuisse de poulet, salade, fromage, un verre de vin rouge. Puis on enchaîne jusqu’au soir. » Cigarette terminée, elle retourne à son plan de travail, pour la découpe de canard.

Répété mille fois, chaque geste de découpe ou de préparation est effectué avec la force de l’habitude. Reste quelques surprises, l’explosion ou non du boyau lors de la confection des boudins noirs, par exemple.

14h30 Michel passe au boudin noir : au fouet, il incorpore 5 litres de sang de porc au mélange d’oignons, herbes et viande de canard. La couleur rouge vif détonne avec le blanc des surfaces de la salle. Ensuite, à l’aide d’un entonnoir, il verse la préparation dans des boyaux de porc : c’est l’emboyautage. « Parfois, ça éclate, il y en a partout sur les murs et le plafond. Y’a plus qu’à changer de costume. » D’une main experte, il les enroule dans un grand plat circulaire, et passe au ficelage.

17h30 L’équipe éteint les lumières de la salle, aseptisée. Seul témoin de la journée, le ronflement des chambres froides, remplies des rôtis, pâtés, saucisses et plats préparés en grand nombre.

Des journées qui démarrent à 4 heures

Mercredi, 4h Dans le froid et la nuit de la cour, Diana et Michel chargent leurs camions. Leurs déplacements troublent à peine le silence.

6h15 Après une courte cigarette et un deuxième café, Diana aide Jean-Pierre à la préparation des volailles reçues la veille au soir. Michel, quant à lui, part pour le marché de Saint-Avertin. L’après-midi, il fera de la vente à domicile à Chambray-lès-Tours et Joué-les-Tours : « il se gare et klaxonne, puis il attend. Le temps que les clients mettent leur bonnet, prennent leur sous… C’est comme dans le temps ! »

7h45 Le camion de Diana est installé sur la petite place de Monts, au milieu de la campagne gelée. Derrière le brouillard, l’impressionnant étalage de saucisses, boudins, cuisses de canard, rôtis, préparations, et terrines, attire l’œil. « Habituellement, il y a aussi une vendeuse de légumes. Elle est en vacances jusqu’à la semaine prochaine, on aura sûrement moins de monde. »

8h15 Un rouge-gorge, premier visiteur, pointe le bout de son bec à l’entrée du camion. « La collègue des légumes lui donne des miettes de pain, il vient tous les mercredis matins ! » Chaque rare passant est un client potentiel. Diana se détache du petit chauffage d’appoint, pour sortir fumer une cigarette et boire un café.

9h « Nos deux premiers clients ne sont pas venus : ni celle de 8h45 ni Philippe. Michel a vu son premier client à 10h la semaine dernière. » Le village semble se réveiller. Un passant, une baguette sous le bras, croise la première cliente, pendant qu’un homme enlève la glace de son pare-brise. À l’ouverture de la vitrine, l’odeur parfumée des boudins rouges se répand dans le camion.

Le marché : l’attente, et l’échange avec le client

9h30 Une institutrice prend des œufs, « mes poules ne pondent plus, » et des blancs de dinde. Le défilé débute, et s’enchaîne jusqu’à midi. Diana connaît les prénoms et les métiers de tout le monde. Un homme âgé oublie son sac dans la voiture, derrière lui patiente une infirmière. Monsieur Maurice est venu seul ce matin, sa femme restée à l’abris : « on ne pourrait pas se passer de ces produits de qualité. Et on discute avec Diana. »

Dans les moments de calme, Diana s’allume une cigarette et se refait un café. « Ça fait 22 ans qu’on tient la boutique. Mais, en septembre, on part tous à la retraite. Je suis contente. La part de nettoyage est pesante. » Même si les clients manqueront à l’éternelle bavarde.

L’arrivée du camion sur place se fait avant les premiers clients, dans la nuit noire.

11h45 Un homme et ses deux enfants arrivent. Tout en donnant des conseils de cuisson au père, Diana garde un œil sur Eddy, le cadet, qui s’éloigne vers la route. La force de l’habitude se fait sentir jusque dans sa manière de prendre la viande dans les frigos, à l’aveugle. Elle remplit le tupperware d’une femme, venue avec sa fille qui a 40°C de fièvre.

12h30 Le dernier client parti, Diana fait les comptes « 42 clients et 1180€, c’est pas mal ! » Le samedi, ils doublent les chiffres, avec 85 clients en moyenne et 2000€ de chiffre d’affaires. Diana referme le auvent, éteint le radiateur, et repart sur les routes de campagne, pour aider Jean-Pierre à faire des rillettes. Demain matin, les deux camions seront réunis en un seul, pour terminer la semaine.

Lisa Darrault


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