Par Lisa Darrault, photos David Darrault
Passionné de nature et de la Loire, Romain Gadais a créé les Pêcheries Ligériennes. Installé depuis 2014 à Bréhémont (37), il pêche, découpe et transforme lui-même les poissons locaux. Désireux de partager sa passion, Romain emmène volontiers le public à la découverte de son activité.

C’est un des premiers matins de froid : le thermomètre indique 4°C. Cela ne perturbe pas le pêcheur de Loire Romain Gadais, malgré ses mains rougies : « le pire, c’est les mois de janvier et février ». L’église de Bréhémont (37), à cent mètres du quai, sonne 9h30. Aidé de son matelot et ancien apprenti, Marcelin, il charge des bacs et des caisses dans une barque à fond plat. C’est le rituel quotidien : ils vont relever les prises et replacer des filets, des lignes et des nasses. Ensuite, ils découpent et transforment eux-mêmes les poissons, pour les vendre à la boutique, ou les servir au restaurant La cabane à matelot.

Valoriser les espèces locales
L’équipage commence par remonter le courant. En dirigeant l’embarcation, Romain consulte la courbe de niveaux de la Loire. « Le mieux pour la pêche, c’est quand ça monte doucement. Là, elle est plutôt basse. » À l’avant, Marcelin récupère les prises et replace les filets. Ils commencent par relever cinq nasses, pour capturer des “vifs” : petits poissons utilisés pour la pêche à la ligne. Elles sont toutes vides. Romain accélère l’allure, la vitesse soulevant l’avant du bateau.
« Ma volonté est de tout valoriser, pas seulement les espèces nobles. Se concentrer sur ce qu’il y a en quantité. »
Romain Gadais, responsable des Pêcheries Ligériennes
Romain transforme lui-même le produit de sa pêche. Il explique : « C’était obligé car le poisson blanc, qui a beaucoup d’arêtes, est le plus répandu ici. Ma volonté est de tout valoriser, pas seulement les espèces nobles. Se concentrer sur ce qu’il y a en quantité. »




Les rayons du soleil éclairent des arbres au loin. Un des fils est emmêlé dans un arbre, couché dans la Loire. La tension monte : un silure pourrait se trouver en bout de ligne. Après des manipulations prudentes de Marcelin, une large queue sort subrepticement de l’eau, confirmant ses soupçons. L’opération qui suit est délicate : « C’est très facile de se louper : le silure donne des coups de tête, il peut tout casser et se barrer ». Cette fois, c’est la bonne : le matelot s’affaisse dans le bateau en soulevant le spécimen. Deux mètres, une bonne soixantaine de kg. Si les pêcheurs sont peu démonstratifs, la réjouissance d’une telle prise, rare, se fait sentir.

À l’aide du sonar, Romain obtient des informations sur la profondeur du fond, la température de l’eau, la présence d’objets. Il y localise aussi les différents filets, lignes et nasses posés. À chaque étape, Romain valide l’angle de disposition des pièges : « C’est super important : par rapport au courant, à la profondeur… Ce n’est pas une science exacte, on le fait à l’instinct. »
La pêche, juste milieu entre connaissances et instinct
Précédé par un héron cendré, le bateau file vers une prairie qui semble dégringoler dans l’eau, un chêne en sort : « sur cette prairie, il y a déjà eu deux mètres de fond, on y pêchait ». Des nids d’hirondelles dans le sable dominent le cours d’eau. La passion du pêcheur pour la faune et la flore est communicative. Il transmet ses connaissances lors de promenades au cours desquelles il fait déguster ses produits, et aborde ces sujets. « On parle beaucoup d’oiseaux migrateurs, et du fonctionnement de la Loire. »
« Dans ce métier, tu peux tester des trucs. Rien n’est figé, ce n’est pas une science exacte : il y a cinq ans, je ne faisais pas de pêche à la ligne. Il a fallu trouver les bons hameçons, pour que les poissons ne repartent pas. » Au lieu de choisir une zone, comme lors de la pêche au filet, le pêcheur choisit un point précis. La connaissance de l’environnement est alors plus pointue.

« On va être en retard, il est 11h20 ! » Après avoir récupéré le contenu d’un filet, un gardon et un brème, le bateau repart vers une structure métallique rouillée : une ancienne drague de traction du sable. Dans le filet qui y est accroché, parmi les déchets végétaux, un aspe, dernière prise de la matinée. Sur le retour, en s’approchant du quai, Marcelin finit de rincer le bateau. « Le métier de pêcheur, ce n’est pas que sur l’eau ! Il y a toute la préparation avant, la maintenance, la transformation et la découpe… »


