Portrait en deux angles 1 / 2
Boulangère à Chambray-lès-Tours (37), Cathy Fries a trouvé un épanouissement complet dans le travail du pain. A 57 ans, avec quatre enfants adultes, elle commence à remettre en question ce rythme de travail effréné, et la place qu’il prend dans sa vie.
Menue, les cheveux gris coupés courts, des rides adoucies par la farine qui parsème ses joues et son visage, Cathy Fries tente de dissimuler sa fatigue. Son regard doux est éclairé par un sourire chaleureux, ses vêtements de travail, couverts de farine. La boulangère dégage bienveillance et gentillesse, qualités qu’elle a su transmettre au cœur de son lieu de travail, la Boule’Ange Rit.
Du patin à roulettes au vélo de course
Il est difficile pour elle de se livrer, elle raconte avoir hésité à accepter cet entretien : « je ne suis pas très en forme en ce moment. Je me pose beaucoup de questions. Puis je me suis dit que ce serait bien quand même d’en parler, que ça valait le coup. » Elle est comme ça : tous les matins, elle se lève pour aller vers l’autre. Quelle que soit la situation, elle sourit, relève ses manches, et avance, en se focalisant sur le positif.
« J’ai commencé seule à l’époque, à la production, à la vente, les nuits et les journées étaient longues mais passionnantes. 25 ans après, c’est toujours aussi passionnant, il n’y a pas de routine, chaque nuit est différente. » Les journées commencent en général à 23h, et finissent en fin de matinée, ou fin d’après-midi en période de fêtes. Elle repense à ses débuts, amusée : « j’ai commencé dans mon petit fournil, avec un four à bois, je n’avais pas d’eau chaude, c’était le patin à roulettes d’après guerre et maintenant je me déplace en vélo de ville, basique, ce n’est pas encore le vélo de course ! »
Travailler nuits et jours, un rythme qui finit par essouffler
Son parcours illustre cet optimisme et cette persévérance à toute épreuve. Anorexique au lycée, elle s’en sort grâce au soutien de son premier employeur et de sa famille, dans un hôtel-restaurant 4 étoiles en Alsace, où elle rencontre son futur mari, cuisinier, avec qui ils ont eu 4 enfants. Ce premier emploi la conforte dans son choix de carrière en restauration.
En 1995, avec le peu d’argent qui lui reste du décès de son père, elle s’achète un pétrin et installe un petit fournil en face de leur maison, ouvert deux jours par semaine. « Je pouvais m’occuper des enfants la journée, et faire du pain la nuit. » En 2009, deux ans après sa séparation, elle ouvre, grâce au soutien de son réseau, un lieu à son image, où les boulangers façonnent leur pain sous les yeux des clients : la Boule’Ange Rit.
L’année chaotique, en raison du Covid, a représenté un défi supplémentaire, relevé avec succès. Aujourd’hui, la boulangère fait face à un nouveau challenge : asseoir cette réussite, et transformer l’organisation du lieu. « J’espère pouvoir désormais, grâce à mes précieux collaborateurs, prendre un peu de temps pour profiter de mes petits-enfants et de la vie ! »
Texte Lisa Darrault, photo David Darrault